Chérie, j’ai rétréci la salle de bain
Quelle drôle d’expérience ! Huit semaines durant, entre octobre 2020 et janvier 2021, Mathilde Pellé s’est enfermée dans un appartement du Crêt de Roch et a retiré un tiers de la matière de 112 objets du quotidien !
La baignoire ? Ratiboisée. Le lave-linge ? Démonté ! La pelle et la balayette ? Découpées. La louche ? Amputée. L’assiette ? Brisée. Le fauteuil ? Désossé ! L’exposition « Maison soustraire » reconstitue l’espace issu de cette décomposition, et notamment cette salle de bain telle que la designer l’a pratiquée sur la fin de son séjour. Un tiers d’un miroir, une ampoule led comme seul éclairage, une baignoire sans arrivée d’eau mais avec un système de gouttière posée sur ce qu’il reste d’un lavabo, une planche en guise d’étagère… Confort spartiate…. mais suffisant pour une toilette quotidienne !
Mais pourquoi une telle expérience ?
En parallèle à son activité de designer (beaucoup plus classique, on vous rassure, la designer travaille au quotidien un design d’objets ou d’aménagements), Mathilde Pellé développe depuis 2016 un projet de recherche baptisé « Soustraire ». Ou comment, avec moins, on peut faire autant, ou parfois reconcevoir, redessiner, reconstituer de nouveaux objets aux fonctions similaires ou différentes. « J’invite à observer les absences, les ruines et les restes produits comme des prototypes de quotidiens différents à envisager », explique-t-elle.
Maison soustraire, un projet très documenté
Concrètement, avant son entrée dans l’appartement, tout a été programmé. 14 objets devaient être retravaillés chaque semaine, 112 sur les 8 semaines. Un vidéaste a suivi l’expérience. Le film est diffusé sur l’exposition (1 heure tout de même !). La chercheuse s’est enregistrée pour documenter son témoignage, alors qu’elle déconstruisait son appartement. Sur comment elle démontait tel objet pour en réaliser un autre. Sur ce qu’était sa vie dans ce royaume recomposé. Elle a été suivie par un psy. « Oui, la soustraction de matériel a un impact sur la vie psychique », souligne-t-elle.
Son projet de recherche vise à nous questionner : à l’heure de l’impératif climatique, jusqu’où est-on prêt à aller pour vivre avec moins ?