Il était une fois…
Petite histoire du design stéphanois
L’épopée Stéphanoise
Au XIXe siècle, Saint-Étienne est à la pointe de la modernité. C’est en 1803 qu’est créée l’École de dessin de Saint-Étienne, afin de répondre aux besoins des fabricants de rubans, d’armes et de cycles, soucieux d’assurer la meilleure qualité artistique et décorative à leur production.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une époque portée par l’innovation et un esprit de conquête :
- 1821 : mise en service à Saint-Étienne de l’un des premiers réseaux de tramway à écartement métrique. À Saint-Étienne, le tramway n’a jamais cessé de rouler depuis et constitue, à ce titre, l’un des plus anciens réseaux de France.
- Création, en 1827 de la première ligne de chemin de fer en France entre Saint-Étienne et Andrézieux.
- Invention par Benoit Fourneyron de la turbine hydraulique (turbine à pression universelle et continue). Depuis 1832, cette invention a démultiplié les ressources énergétiques pour l’industrie.
- Manufrance (ex Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Etienne crée par Etienne Mimard et Pierre Blachon) officiellement baptisée ainsi depuis 1947 et dont la notoriété débordait très largement les frontières française, invente des centaines d’objets utiles au quotidien et met en œuvre la vente par correspondance avec un catalogue qui a conquis la France. Un des plus beaux exemples de l’avènement d’une culture des objets du quotidien. Les catalogues Manufrance constituent un incontournable pour quiconque veut s’adonner à l’étude anthropologique des temps modernes.
La rencontre de l’art et de l’industrie
Deux institutions jouent un rôle majeur dans la diffusion de cet art de produire : le Musée d’art et d’industrie et l’École des Beaux-Arts.
L’École de dessin créée en 1803 emménage en 1857 dans son bâtiment historique au-dessus des Ursules. Son ouverture répond à une demande des industriels pour la gravure sur arme et le dessin sur ruban. En 1884, l’École de dessin devient École régionale des Arts industriels et ses enseignements renforcent leur dimension scientifique et technique avec des cours d’armurerie et de gravures. L’école régionale des Beaux-Arts (nouvellement nommée ainsi en 1922) crée une section « design » qui se distingue de la section historique en 1986.
Un musée aux racines du design
Aidé des plus prestigieux fabricants et soutenu par les ouvriers, Marius Vachon, publiciste d’origine stéphanoise, est chargé par le ministère des Beaux-Arts et de l’enseignement d’étudier sur le terrain les musées et écoles d’art en France et en Europe. Il réorganise en 1889, à Saint-Étienne, le musée de fabrique en Musée d’Art et d’Industrie. Il conçoit le musée comme une véritable arme économique, à la fois lieu de conservation de collections des Beaux-Arts, de rubanerie et d’armurerie et lieu de formation et d’émulation pour les artistes stéphanois.
Il invite des dessinateurs de rubans et graveurs d’armes et les étudiants de l’École Régionale des Arts Industriels à étudier sur place les techniques anciennes et les nouveautés des industries locales. Le musée devient un espace social par excellence : les générations nouvelles y rencontrent les maîtres confirmés.
Si à la fin du XIXe siècle, cette alliance entre l’industrie et l’art est plus proche des arts décoratifs et de l’esthétique industrielle, c’est bien ici que se dessinent les racines du design…
Le Corbusier : un souffle de modernité
Les années 1950 marquent le début de la construction des grands ensembles. Des immeubles imposants, promesses de modernité et salubrité, gagnent les quartiers périphériques de Saint-Étienne et de Firminy. Sous l’impulsion du Maire de Firminy Eugène Claudius-Petit, différents bâtiments du Corbusier sortent de terre au cœur d’un nouveau quartier : Firminy-Vert.
Portée par Le Corbusier, la théorie de la ville nouvelle intègre tous les équipements au service de la population : école, foyers, espaces culturels… Leur architecture et leur mobilier sont pensés avec soin pour répondre aux besoins des usagers.
Les réalisations du Corbusier dans la région stéphanoise (premier site le Corbusier en Europe) sont une puissante source d’inspiration pour nombre de créateurs implantés à Saint-Étienne, qu’ils soient architectes, designers, aménageurs d’espaces… La maison de la Culture de Firminy est classée par l’Unesco depuis 2016.
Le design pour repenser la ville
Depuis 1998, date de la première Biennale Internationale Design de Saint-Étienne, le design dans l’espace public est un des révélateurs de l’identité et de l’attractivité du territoire. L’ambition de Saint-Étienne Métropole et de la Ville de Saint-Étienne est d’inscrire durablement cette dimension dans la dynamique métropolitaine.
De grands bâtiments et espaces publics sont réalisés par des architectes de renom : la Maison de l’emploi par Rudy Ricciotti (2005), le Zénith par Norman Foster (2008) ou encore l’îlot Grüner de Manuelle Gautrand (2010). Alexandre Chemetoff & associés réalisent l’aménagement de la Manufacture-Plaine Achille (2009-2012) et travaillent à partir de l’existant : « le design ne [vient] pas d’ailleurs mais […] du territoire qui révèle ses propres qualités ». Ainsi, dans cet espace urbain, « presque rien n’a changé et pourtant tout est redistribué autrement ».
L’espace public est à ce titre un véritable terrain d’expérimentation qui permet de mieux comprendre l’évolution de nos modes de vie et les attentes des usagers. Pour les commanditaires des services publics, les entreprises et les designers, l’objectif est d’observer les pratiques et les nouveaux usages de l’espace public afin de développer des produits et des services adaptés à tous.
Aujourd’hui, entreprises, designers, urbanistes, associations, élus et habitants réfléchissent ensemble aux usages à l’échelle du quartier, d’une rue ou d’un espace public.
La Cité du design, symbole de renouveau
Installée sur l’emblématique site de l’ancienne Manufacture d’Armes de Saint-Étienne désormais nommé « quartier créatif », la Cité du design et son École supérieure d’art et design de Saint-Étienne côtoient enseignement supérieur, recherche, développement économique, création artistique et culturelle ainsi que pépinières d’entreprises et designers indépendants (réseau Designers+). L’ensemble contribue au rayonnement du territoire et renforce ainsi le développement de ses nombreuses industries créatives.